vendredi 30 janvier 2015

Victoire au finish sur les cannibales (extrait)

Coincé dans la coquille du quotidien comme un bateau en bouteille sur le buffet de la cuisine parfois j'imagine qu'il me faudrait briser enfin ces habitudes de paresse qui m'obscurcissent tout horizon, rompre avec la tribu, ses coutumes d'un autre âge, son folklore balourd et imbécile, en finir dix fois plutôt qu'un avec cette existence à la petite semaine qui m'étiole les neurones en laissant s'atrophier en moi toute perspective d'avenir et larguer une bonne fois pour toutes les amarres, m'en aller respirer à pleins poumons l'air du large, voguer à l'aventure vers des cieux plus propices.
......................................................................................................

Briser une bouteille contre le flanc du bateau suffirait-il à lui faire prendre la mer et pourrais-je alors me montrer suffisamment habile dans l'art de la navigation pour espérer aborder un jour à ces rivages de sable et de galets mêlés dont, enfant solitaire  et désemparé, j'ai si  souvent rêvé ?
Existe-t-il au loin des îles qui se laissent approcher sans souci de remous ni tempêtes, seulement peuplées d'hommes debout accordés au mouvement des marées, accueillantes aux marins d'eau douce sans projet ni fortune et qu'une simple barque permettrait d'accoster pour y jeter l'ancre toute douleur enfin apaisée ? Des îles fantastiques à la beauté surnaturelle, bercées jour et nuit par un océan de musique qui mettrait nos cœurs en harmonie avec le monde et nous laisserait dans un enchantement sans fin.
Mais sans doute est-ce démesurément rêver que d'envisager un tel éden noyé dans la verdure où de flamboyants paradisiers ne se nourrissent que de rosée, où loups et agneaux vont comme larrons en foire et toutes gens semblablement entre eux, quand on n'a pour seule ressource qu'un triste rafiot à courtes rames et aux fesses une armada de fous furieux grand format prêts à tout pour vous rayer définitivement des registres paroissiaux.
Ce ne devrait pourtant pas être la mer à boire que se soustraire à leur quotidien crasseux et trouver la paix sous d'autres cieux.
Pierre AUTIN-GRENIER (Analyser la situation)

1 commentaire:

Ariaga a dit…

Je découvre cet auteur. Merci et amicales bises.